Développer une histoire
Pour faire un scénario efficace il faut :
Qu'est qu'une histoire complète ?
C'est
un événement hors de l'ordinaire qui arrive à
un individu (le personnage principal de l'histoire) dans
un contexte précis. Il sera alors
confronté à des obstacles et aura, dans un second temps,
à les traverser. Ceci dans le but de
résoudre la situation problématique et
d'arriver à un nouvel équilibre.
Il
faut tous ces aspects, dans cet ordre, pour avoir une histoire
complète. Il n’est pas nécessaire d’être original pour qu’une histoire
soit efficace. Plus les différents éléments de l’histoire seront précis
et détaillés (lieu, contexte social, complexité des personnages, etc.),
plus l’histoire sera intéressante pour les spectateurs. L’originalité se
trouve dans la manière de raconter, beaucoup plus que dans le
développement narratif.
Exemple de ce qui n’est pas une histoire :
Un
homme dans la rue, un jour pluvieux, voit que son lacet de chaussure
est défait, il se penche et le rattache. Il poursuit son chemin.
Ici,
il n’y a aucun obstacle à surmonter, rien qui ne sorte de l'ordinaire :
aucun événement perturbateur, aucune situation problématique ni aucune
épreuve transformatrice. La solution est simple et ne provoque aucun
dilemme moral ou action conflictuelle.
Exemple d'histoire :
Acte 1 : La mise en place
Un
homme dans la rue, un jour pluvieux, voit que son lacet est défait.
Acte 2 : Le développement
Alors qu'il se penche pour le rattacher, un vélo qui
passait par là le bouscule et le fait tomber à la renverse (événement
perturbateur).
Quand il tente de se relever, un gros chien saisit sa
chaussure à moitié sortie de son pied et s'enfuit avec (point tournant
1).
L'homme se relève et poursuit le chien à cloche-pied (situation
problématique).
Il cherche le chien qui s'est faufilé dans l’ouverture
d’une haute clôture de bois. L'homme tente d'escalader la clôture dont
la porte est verrouillée et, alors qu'il y est presque parvenu, un
policier l'agrippe par le collet et le ramène au sol. Les policiers le
confondent avec un cambrioleur qui a fui dans le quartier. Ils le
menottent et l'amènent au poste (retournement de situation).
Au
poste de police, l’homme démêle la situation et explique ses malheurs.
Il est relâché. Repassant devant la même clôture de bois (climax), il
aperçoit le chien avec sa chaussure dans la gueule.
Acte 3 : La résolution
De dépit, il lui
lance son autre chaussure (agir plutôt que subir) qui fait tomber celle
que le chien a dans sa gueule.
Le chien, apeuré, s'enfuit sans reprendre
les chaussures (point tournant 2), puis, l’homme les ramasse. Celle
qu'avait le chien est dans un état si lamentable qu'elle est
inutilisable! Dans un soupir, haussant les épaules, l'homme lance ses
chaussures par-dessus la clôture. La porte de la clôture s'ouvre soudain
et une vieille dame surgit avec, à la main, celle en bon état et
l’autre, dépareillée.
L'homme voit dans la cour, avec grand étonnement,
une énorme pile de souliers; il éclate de rire (résolution de la
situation), prend les souliers en remerciant la dame et s'en va en
esquissant un petit pas dansant (nouvel équilibre).
Comme
vous pouvez le constater, une histoire correspond à un schéma bien
précis. Il est possible de déroger à ce schéma, mais il faut beaucoup
d'expérience d'écriture pour le faire. Avant de s’amuser avec les
structures classiques d’une histoire, il faut d’abord les maîtriser !
Le
schéma peut se représenter comme suit :
Structure narrative en trois actes
ACTE 1, la mise en place ou l’exposition
La mise en place ou l’exposition doit introduire un certain nombre d'informations.
- Présentation du personnage :
- Sa situation ou condition initiale,
- Les traits psychologiques qui vont influer son comportement au cours de l'histoire
- Son environnement : travail, famille, amis, statut social, lieu de résidence, etc.
- Ce
qui viendra perturber sa situation de départ. L'événement doit
bouleverser la vie du personnage. Ce dernier peut subir l’évènement
perturbateur ou encore le provoquer par un geste mal calculé (exemple :
avoir perdu toutes ses économies dans un mauvais investissement).
- Le
nœud dramatique, l’impasse qui donnera lieu à un dilemme ou à des choix
que devra faire le personnage principal. Le nœud dramatique donne
naissance à une quête (un objectif, un but) que le personnage tentera
d’accomplir. Dès l’apparition du conflit, des indices indiquant comment
se résoudra l'histoire peuvent être suggérés.
Il est bien
important de définir (lors du plan d’écriture) et d’expliciter (lors de
l’écriture) la quête du personnage principal puisque celle-ci est le
moteur de l’histoire et déterminera le développement des deux derniers
actes; chaque action qui suivra devra impacter la réalisation de la
quête. Si elle n’est pas claire pour votre spectateur, sa compréhension
de l’histoire en sera influencée. Il faut toujours comprendre ce que le
personnage principal doit accomplir et ce qui se produira s’il échoue.
Le premier point tournant et première prise d’action (point de bascule) :
Le
premier point tournant est un événement, à la suite de l'élément
perturbateur, qui entraînera le personnage à essayer de rétablir sa
situation initiale. Ce premier point tournant est très important
puisqu’il met fin à l’inaction du personnage principal dans le problème
auquel il fait face pour l’amener dans l’action : il doit agir pour ne
plus être dans une situation problématique.
On nomme le premier acte « exposition » puisqu’il
expose toutes les informations essentielles nécessaires au spectateur à
la compréhension de l’histoire. Ceci est directement lié à la quête et
aux motivations du personnage principal. Si le spectateur comprend ce
qui motive le personnage, s'il comprend ce qui est en jeu, le premier
acte est réussi.
Si vous avez bien défini ce qui précède, vous
aurez, en tant que scénariste, la base et donc le fil conducteur de
l’histoire, qui vous mènera jusqu’au dénouement.
ACTE 2, le développement
Le développement est la partie la plus longue de l’histoire (près des deux tiers), et il est lui-même constitué de trois parties :
1.
Une suite de situations ou d’obstacles que le personnage subit ou
provoque et qu'il doit surmonter pour affronter la partie suivante.
2. Le
retournement de situation qui survient habituellement à la moitié de
l’histoire et déroute la quête du personnage. À partir de ce moment, la
montée dramatique s’intensifie dans les obstacles suivants.
3. Le climax.
Le second point tournant (point de bascule) :
Le
second point tournant est un événement qui permettra au personnage de
résoudre le conflit. C’est un moment où la tension est à son maximum,
tout juste avant la résolution.
ACTE 3, la résolution ou le dénouement
La résolution ou le dénouement comporte trois parties :
1. Une suite d'actions finales par lesquelles le personnage met fin au conflit ayant généré l'histoire.
2.
Une conclusion où deux résultats seulement sont possibles : la victoire
ou l’échec. Dans les deux cas, la tension est relâchée, soit par une
action du protagoniste ou par un événement qui permet un retour à
l’équilibre. Émotionnellement, si la quête est réussie, la joie
dominera; si c’est l’échec, la tristesse sera présente.
3. Une
fin. C’est le moment d’expliciter le message (ou la morale) que vous
désirez transmettre à votre spectateur par l’histoire que vous venez de
raconter.
Le dénouement est très important puisqu’il s’agit de
votre dernière chance de faire comprendre à votre spectateur le message
qui lui est destiné. Le message peut être pessimiste ou optimiste, mais
il doit être clair.
Les particularités de l’écriture documentaire
Le film documentaire est un genre cinématographique qui existe sous différentes formes. Il se veut une représentation du réel. Tous ont pour objectif de présenter des faits réels.
On distingue le documentaire du film de fiction par son but informatif et didactique (qui veut nous apprendre ou nous expliquer quelque chose). Le documentaire s’ancre dans le réel et ne présente pas une histoire qui a été préparée, adaptée et entièrement scénarisée pour le cinéma. Il peut s’agir d’entretiens, du montage d’images d’archive, de filmer un sujet, un événement pendant un certain temps, et parfois même il mêle la réalité à des éléments fictionnels (ce qu’on appelle le docufiction, comme on peut le voir avec T dans la bibliothèque de film).
Il faut cependant remarquer que tout documentaire contient une part de manipulation du réel que ce soit dans le montage des images choisies, la musique employée pour les accompagner, les commentaires de la voix hors champ narrative éventuelle (une voix dont on ne voit pas la source et qui raconte les événements), les personnes interrogées, etc.
Lorsqu’on souhaite réaliser du documentaire, il est ainsi indispensable de faire des recherches sur le sujet qu’on souhaite traiter.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’écriture préalable à la réalisation d’un documentaire est primordiale. Bien que la part de réel laisse une grande place aux imprévus, au hasard et aux aléas du tournage, il est nécessaire de penser son sujet et de se donner des lignes directrices. Ainsi, l’écriture d’un documentaire va débuter par la documentation (sur le terrain, internet ou dans des ouvrages) afin d’opérer des choix car on ne peut pas tout dire d’un sujet, il faut choisir un angle d’attaque.
En règle générale, le documentaire offre plus de latitude en termes d’écriture que le film de fiction. Si on a recours à des entretiens pendant la réalisation, c’est lors de la phase d’écriture qu’il va falloir les préparer. Les personnes qui seront interrogées ne jouent pas de rôle, et on cherche à ce qu’elles soient sincères et crédibles. Il est possible de préparer les questions en amont et de leur transmettre afin d’éviter de prendre ces personnes au dépourvu et pour leur laisser le temps de murir leur réponse. Si un narrateur commente le film en voix hors champ (qu’on appelle voix-off dans le monde du cinéma), c’est également à ce moment-là qu’une première version de son texte, amené à évoluer par la suite, va être écrite.
En règle générale, on va seulement écrire la structure générale du film. Celle-ci suit globalement ce schéma : questionnement, explication et conclusion.
La phase de questionnement va faire état du sujet, le contextualiser et l’amener afin de permettre au spectateur de comprendre la suite, et surtout de savoir pourquoi ce sujet est important et intéressant.
L’explication est le cœur du documentaire. Elle peut être produite de différentes manières : par l’énumération des causes et des conséquences ; la présentation d’un problème, sa cause et sa solution ; ou par les différences, points communs et similitudes.
La conclusion, enfin, va synthétiser tout ce qui a été évoqué pour ensuite tenter de poser une nouvelle question, soulever un autre problème ou ouvrir sur un sujet en rapport. Parfois, il s’agit d’un intertitre (l’incrustation d’un texte à l’écran) qui va rappeler l’ampleur du problème ou ce qu’il s’est passé depuis le tournage. Pour un exemple, on peut aller voir l’intertitre final du film Tampons cours 101.
Tampons cours 101 d'Anne Castelain (2016)
Faire la préparation du documentaire est très utile pour la recherche de financement, notamment. Son scénario n’est jamais figé, mais il est là pour donner une ligne directrice et l’intention de l’auteur. L’écriture va s’adapter au fur et à mesure du tournage, et même encore lors du montage.