Notions de langage cinématographique
La connaissance du langage cinématographique est indispensable pour faire un bon découpage technique. Conçu par le réalisateur, il est le résultat de sa vision du film en images et en sons. Il est aussi un document essentiel d’informations pour toute l’équipe.
Plan
Tout individu qui utilise une caméra, comme amateur ou professionnel, doit faire face à des choix importants. Quelle partie de la réalité présentera-t-on à l’écran ? Sous quel angle filmera-t-on son sujet ? La caméra bougera-t-elle ? Si oui, de quelle façon ? Quel objectif choisir ? Ce sont des questions que doivent se poser toutes celles et ceux qui veulent faire un film avant de tourner un plan. Voilà donc les éléments de langage que l'on doit connaître pour mieux apprécier et comprendre les œuvres cinématographiques et pour les réaliser.
Cadre
Le plan montre l’action en tout ou en partie ; il est délimité par un cadre qui peut être fixe ou en mouvement. On dit « dans le cadre » ou bien « hors-cadre » pour signifier ce que la caméra capte ou ne capte pas. On peut aussi dire que c’est dans le champ ou hors-champ de la caméra. Un plan est ce qu’enregistre la caméra à partir d’un moment où l’assistant-réalisateur dit « Action ! » jusqu’au moment où il s’écrie « Coupez ! ».
Au montage, le plan tourné est rarement utilisé dans son intégralité et ses limites sont alors celles qui le relient au précédent et au suivant. Un plan peut être tourné plusieurs fois jusqu’à la satisfaction du réalisateur. On parlera alors de prises.
Hors-champ
Tout ce qui n'est pas visible dans le champ de la caméra, mais qu'on peut imaginer est appelé le hors-champ. Il peut servir à plusieurs choses dans un film et il ne faut pas hésiter à s'en servir pour produire des effets ou pour éviter des effets trop difficiles à réaliser (une explosion par exemple).
Dans L'attaque du cyclo cerveau, le hors-champ est utilisé de plusieurs manières. Il suggère tout d'abord une action trop choquante pour être montrée directement à la caméra (et difficile à représenter sans effets spéciaux) : la lobotomie de la petite fille. Celle-ci est alors suggérée par le regard hors-champ du père dans un plan, puis est cachée par le médecin la pratiquant dans un autre (le hors-champ peut se trouver dans le cadre de la caméra). Il est renforcé imaginairement par les bruitages chirurgicaux et les commentaires des personnages.
L'attaque du cyclo cerveau de Sid Zanforlin (2012). Photographie : Bobby Shore
Le champ-contrechamp
Le champ est ce que la caméra nous montre. Le contre-champ est ce qui est opposé au champ. Dans un dialogue par exemple, on alterne entre le champ qui filme le personnage A (en jaune dans l'exemple), et le contrechamp qui nous montre à qui il ou elle parle, le personnage B, qui peut lui répondre dans ce même contrechamp (en bleu dans l'exemple).
On utilise parfois le champ-contrechamp pour produire des effets. Par exemple, dans Le reflet, on peut voir l'héroïne (champ) regarder dans le hors-champ à sa droite, le plan suivant (contrechamp) nous montre ce qu'elle voit dans le miroir. Cette technique, ici, crée une tension narrative mêlée de mystère, de curiosité et de crainte.
Le reflet de Louis-David Jutras (2018)
Valeur de plan
L’échelle du plan correspond au cadrage adopté pour filmer les personnes ou le décor. Elle détermine l’information que le réalisateur souhaite donner à ses spectateurs. Plus un plan est rapproché et précis, plus l’information est précise ; plus un plan est large, plus l’information est générale, donc contextuelle. Chaque cadrage est choisi par le réalisateur et inscrit sur le formulaire du découpage technique, selon l'action à tourner et l'intensité dramatique qu'il désire créer. L’échelle des plans n’est pas une science exacte. Il peut être difficile d’établir précisément la valeur d’un plan, celui-ci pouvant être à la limite d’un gros et d’un très gros plan ou d’un plan d’ensemble et d'un plan large. C’est une convention, un langage utilisé par le réalisateur pour communiquer avec les membres de son équipe pour expliquer le mieux possible comment une image est cadrée ou doit être cadrée.
Dans un film, on peut voir un détail pris de très près ou l’ensemble d’un paysage pris de très loin.
De manière générale, on classe les plans en se référant à deux variables : le décor pour les plans les plus larges et les personnages pour les plans les plus rapprochés.Le choix d'une valeur de plan dépend d’abord de ce que l’on veut montrer à l’écran. Un paysage demande un plan très large. L'expression sur un visage, en revanche, nécessite un plan plus resserré. Il faut aussi penser à quelle information ce plan doit transmettre au spectateur. Il importe parfois, pour que le spectateur comprenne le déroulement de l’action, qu’on attire son attention sur un détail important. Si on utilise un plan trop large, le détail passe inaperçu.
En général, on choisit un plan pour faciliter la compréhension du film par le spectateur mais on cherche parfois aussi à transmettre une émotion. Le réalisateur peut par exemple décider de présenter un personnage dans un plan d’ensemble pour accentuer un effet de solitude ou pour amplifier l’impression de la petitesse du personnage devant les événements tragiques qui surviennent. Se rapprochant du visage d'un personnage, le gros plan magnifie l'émotion qu'il exprime et favorise l'empathie du spectateur.
Voici les différents types de valeurs de plan :
Plan large ou généralÉgalement appelé « plan de grand ensemble », il cadre un décor entier – un paysage, une ville, un quartier, etc. – de sorte à situer l'action à venir dans le temps et dans l'espace. Le plan général sert souvent de plan d’introduction dans un film, on peut l'appeler dans ce cas-là « plan d'exposition ». Il est filmé en grand-angle et permet au public de se repérer.
Plan tiré de Fauve de Jérémy Comte (2018). Photographie : Olivier Gossot.
Plan d’ensembleIl cadre une grande partie d’un décor.
Plan tiré de Ne pas reculer de Dominique Laurence (2012). Photographie: Jean-François Lord.
Plan de demi-ensembleNe cadrant qu'une portion du décor, il rapproche le spectateur de l'action.
Plan tiré de Ne pas reculer de Dominique Laurence (2012). Photographie: Jean-François Lord. Plan moyen ou plan piedIl montre un ou des personnages en entier, de la tête aux pieds.
Plan tiré de Maîtres nageurs de Karine Bélanger (2016). Photographie : Vincent Biron. Plan italienIl montre un personnage des genoux au haut de la tête.
Plan tiré de Viaduc de Patrice Laliberté (2015). Photographie: Christophe Dalpé. Plan américainCadrant les personnages aux cuisses, il permet au spectateur de se rapprocher et d'avoir un peu plus d'intimité avec ceux-ci. Le meilleur truc pour retenir le nom de ce plan est d'en connaître l’origine : on l'appelle américain puisqu’il permettait de bien montrer les armes à feu que les cowboys portaient à la hanche à l'époque des westerns.
Plan extrait de Sommeil de cendres de Frederick Neegan-Trudel (2017). Plan rapprochéIl cadre le personnage à la poitrine (ce pour quoi on l'appelle aussi plan poitrine) ou à l’épaule (on peut alors l'appeler plan portrait ou épaule). Ce plan permet de percevoir l'action plus en détail.
Plan portrait tiré de Ruby pleine de marde de Jean-Guillaume Bastien (2016).Photographie : Vincent Biron. Gros planSeule la tête du personnage est dans le cadre. Le gros plan peut accentuer l’émotion ressentie lors d’un plan rapproché. Il engage davantage le spectateur dans le drame vécu par le personnage.
Plan tiré de S’oublier de Anh Minh Truong (2012). Photographie : Luc St-Pierre. Très gros planSeul un détail du corps est filmé. Le gros plan et le très gros plan peuvent aussi s’appliquer aux objets. On utilise généralement le terme insert lorsqu'il s'agit d'un objet en gros/très gros plan.
Plan tiré de Délivrance de Philippe Boissier (2017). Plan de coupe et plan maître (master)
Il existe deux types de plans également qu’il faut songer à filmer pour faciliter plus tard le montage, et rendre plus claire la narration :
Les plans de coupe permettent de situer le lieu de l’action. Entre deux séquences démarrant dans des endroits différents, insérer d’abord un plan d’ensemble du lieu avant de démarrer l’action permet de rendre plus compréhensible le tout et de marquer une ellipse. De même, on appelle également plans de coupe des plans sur le public, ou la réaction d’un interlocuteur pendant qu’un personnage parle. Ces derniers permettent de ne pas avoir de plans trop longs pendant un monologue et de rythmer davantage la scène. Ils sont de courte durée et peuvent aussi permettre de lier deux plans qui ne se raccordent pas parfaitement. Il permet d’atténuer un défaut d’enchainement visuel des plans.
Exemple : La discussion-règlement de compte finale de
Poisson de mars comporte un grand nombre de plans de coupe sur les réactions de la famille aux révélations du personnage. Ce sont ces plans qui permettent de créer la tension dramatique.
Le plan maître
(master) fonctionne un peu de la même manière, mais sert, par un plan large, à montrer la position dans l’espace des personnages les uns par rapport aux autres avant de pouvoir se rapprocher d’eux.
Exemple : L’esprit d’escalier débute sur un plan maître avant de décomposer la scène en se focalisant sur les personnages.
L'esprit d'escalier de Tiphaine DeReyer et Catherine Villeminot (2016)
Les angles de caméra
L’angle de prise de vues définit la position de la caméra par rapport au sujet filmé.
PlongéeLa caméra est placée au-dessus du sujet filmé. La plongée peut être utilisée pour présenter ce qu’un personnage voit de haut : par exemple, une vue d’avion nous montre la ville que le personnage regarde. Cependant, le cinéaste peut se servir de cet effet pour accentuer certaines émotions qu’il veut faire ressentir : si un personnage triste arpente une rue déserte en pleine nuit, la plongée viendra renforcer l’aspect dramatique. Une caméra en plongée modifie la perception que le spectateur a d’un sujet : il apparaît plus petit que ce qu’il est. C’est pourquoi cet angle de caméra est généralement associé à une émotion négative. Par cette prise de vue, le personnage perd de sa prestance. Un plan en plongée peut se rendre jusqu’à un angle où la caméra est pointée verticalement vers le sol (voir exemple).
Contre-plongéeLa caméra est placée au-dessous du sujet filmé. La contre-plongée peut servir à montrer aux spectateurs ce que voit un personnage qui regarde vers le haut. Elle peut aussi accentuer certains effets recherchés par le cinéaste. Par exemple, un super-héros qui arrive sur les lieux d'une tragédie sera filmé à l'aide d'une contre-plongée pour illustrer sa puissance physique. À l'inverse, le même angle peut être utilisé pour un antagoniste (méchant) si le cinéaste désire amplifier son aspect menaçant.
Plan en plongée tiré de Fauve de Jérémy Comte. Photographie: Olivier Gossot. Angle neutre (à la hauteur des yeux)La caméra est au même niveau que le personnage ou le sujet filmé.
Plan à hauteur des yeux tiré de Fauve de Jérémy Comte (2018). Photographie: Olivier Gossot. Angle oblique (ou Dutch angle)La caméra est décalée par rapport à la ligne d'horizon. On utilise l’angle oblique pour souligner des situations de tension, d’inquiétude, de peur et de déséquilibre. Les films d’horreur multiplient ce type d'angles.
Plan tiré de Fauve de Jérémy Comte (2018). Photographie: Olivier Gossot Les mouvements de caméra
Le réalisateur peut faire déplacer la caméra de différentes façons durant le tournage d'un plan. Lorsqu’elle bouge, la caméra devient un acteur du drame : elle souligne l’action et accompagne les protagonistes dans leurs péripéties. Le spectateur peut alors se rapprocher au plus près de ce que vit le personnage, s’identifier à lui et participer pleinement à l’action qui se déroule sur le grand écran.
La caméra en mouvement peut également incarner une présence dans l'environnement. Par exemple, une caméra avance rapidement dans une scène d'un film d'horreur pour signifier l'approche d'un danger.
Voici les différents mouvements de caméra :
PanoramiquePivotement horizontal ou vertical. La caméra reste en place mais effectue une rotation de la gauche vers la droite, de la droite vers la gauche (dans ces cas, on dit que la caméra panote) ou du bas vers le haut ou inversement (la caméra tilte). Le cinéaste peut se servir du panoramique pour dévoiler progressivement un ensemble de détails. Un panoramique sur le désordre d’une chambre pourrait amener le spectateur à découvrir... un cadavre ou un couple enlacé, par exemple.
TravelingDéplacement latéral, vertical, avant ou arrière de la caméra effectué pour suivre une action ou un personnage, ou pour présenter un décor. La caméra peut être portée par le cadreur (à la main ou à l'épaule), déposée sur un chariot, placée dans une voiture, etc. Le traveling avant, qui rapproche le spectateur de l’action ou du personnage, sollicite sa participation et développe son intérêt. On peut se servir du traveling avant pour amener le spectateur à un endroit précis du décor et attirer son attention sur un détail important pour le déroulement de l’histoire. Le traveling arrière est un mouvement de recul. Il peut indiquer la fin d’une scène et même d’un film : le spectateur, accompagnant la caméra, s’éloigne progressivement de la scène du crime, par exemple. Le cinéaste peut s’en servir pour des fonctions inverses de celles du traveling avant : partant d’un détail, il le situera finalement dans un environnement plus large.
Pano-travelingMouvement de la caméra qui effectue à la fois un panoramique et un traveling.
Caméra à l’épauleLa caméra portée à l’épaule par le cadreur permet d’effectuer de nombreux mouvements qui donnent un effet naturel à l’image (on sent la présence du naturel). Cette technique offre la possibilité de faire rapidement bouger le cadre. La caméra à l'épaule est qualifiée de « nerveuse » lorsqu'elle effectue des mouvements très saccadés, par exemple si le caméraman court derrière un personnage.
Exemple : Le film Saccage de Marianne Farley est filmé en caméra à l'épaule pour être au plus près des adolescents commettant un acte de vandalisme.
Mouvement mécaniqueLa caméra se déplace dans l’espace sur une grue ou un bras articulé mécaniquement. Par exemple, elle peut survoler une foule pendant un spectacle et filmer dans toutes les directions. Un drone peut également être utilisé pour produire ce type de plan.
Exemple : C'est le cas à plusieurs reprises dans À part de Vincent Wilson, où un drone est utilisé pour prendre de la hauteutr et filmer de grands plans d'ensemble.
À part de Vincent Wilson (2016)
Mouvement optiqueLa caméra n'a pas besoin de bouger. Le mouvement est effectué par les lentilles de l’objectif, qui peuvent créer deux effets : le zoom avant (resserrement progressif du cadre de manière à suggérer qu’on se rapproche du sujet, sorte de traveling avant mais sans déplacement de la caméra) et le zoom arrière (élargissement progressif du cadre pour donner l’impression que l’on s'éloigne du sujet, sorte de traveling arrière mais sans déplacement de la caméra).
Le choix des objectifs (lentilles)
Les caméras modernes sont toutes équipées d’objectifs à focales variables. Ceux-ci peuvent créer un effet de proximité ou d'éloignement des objets en rétrécissant ou en élargissant le champ de vision. Les objectifs sont classés en trois catégories : les grands angulaires; les objectifs normaux et les téléobjectifs.
Opter pour des lentilles fixes permet d'obtenir une image de meilleure qualité.
Grand-angulaireLes grands-angulaires servent à montrer le sujet complet dans son environnement tout en permettant une bonne netteté d’image de l’avant-plan à l’arrière-plan. Les cinéastes doivent utiliser avec précaution ces objectifs car ils ont tendance à déformer les objets qui sont rapprochés.
Objectif normalOn le nomme ainsi car il correspond à la vision « normale » de l’œil humain. C’est l’objectif que l’on utilise afin de donner une représentation de l’espace filmé qui corresponde le plus à la réalité.
TéléobjectifLes téléobjectifs ont l’effet de resserrer le champ de vision. Une des plus importantes caractéristiques des téléobjectifs est de donner l’impression que l’image est compressée. Avec un téléobjectif, on a l’impression que les objets sont plus près, qu’une pièce est plus petite ou qu’une foule est plus dense.
ZoomLe zoom est un objectif à focale variable. Il permet donc de passer d’une vue d’ensemble à un cadrage rapproché, ou l’inverse, dans un même plan, c’est-à-dire d’effectuer un mouvement optique.).